Suis-nous sur Instagram !

Critique : L’Étranger (2025) – Vivre libre pour être heureux ?

L'Étranger est un drame franco-belge, sorti le 29 octobre 2025, réalisé par François Ozon.
Sommaire

C’est quoi le synopsis de l'Étranger ?

Dans l’Algérie des années 1940, Meursault (Benjamin Voisin) mène une existence simple et sans éclat. Lorsque sa mère meurt, il assiste à l’enterrement sans laisser paraître la moindre émotion. Peu après, il rencontre Marie (Rebecca Marder), dont la joie de vivre contraste avec son détachement. Mais sous le soleil écrasant d’Alger, un geste irréfléchi fera basculer son destin.

Est-ce que L'Étranger vaut le coup ?

D’emblée, je ne connais pas le roman éponyme. Cependant, j’ai lu son ouvrage philosophique Le mythe de Sisyphe – relativement pénible (à base de triple négations et de dizaines de virgules dans une seule phrase), mais très intéressant. On reconnaît Albert Camus avec sa trilogie cyclique de l’absurde, de la révolte et de l’Amour ; chaque cycle étant scindé en un triptyque : essai, roman et pièce de théâtre.

François Ozon a mis en image le roman L’Étranger, provenant du cycle de l’absurde. Le réalisateur a visé extrêmement juste, avec un récit contemplatif. Sa précision est telle que chaque arrêt sur image pourrait être exposé dans un musée. Le parti du noir et blanc, avec un cadre plus serré, crée la sensation d’un monde passé et renforce davantage une attitude jonglant entre l’apathie et l’empathie. En effet, cette force visuelle réside dans le contraste de la lumière, de la couleur (qui est absente, remplacée par des nuances de gris) et de l’espace. Les séquences sont millimétrées, donnant presque un sentiment d’automatisme – comme si cela devait être ainsi, car c’était la meilleure façon de le faire.

Outre son esthétique immersive, les acteurs mènent une prestation extrêmement convaincante. Benjamin Voisin est transcendant. Il parle peu, et chaque intervention oscille entre la banalité et le discours philosophique. Ses mimiques, sa gestuelle et ses regards sont d’une très grande maîtrise. Il est cet homme aux traits insensibles, capables de se mouvoir dans les moments intimes, et d’embrasser la colère dans ses derniers instants. Les interventions de Rebecca Marder apportent de la douceur, s’imposant comme la matière qui complète le vide émotionnel. Pierre Lottin est tout simplement brillant avec le personnage de Raymond, l’irrévérence incarnée. Je retiens également la prestation de Swann Arlaud (vu dans Anatomie d’une chute), Denis Lavant et Jean-Charles Clichet.

Vivre dans un monde absurde

Meursault est un individu libre, au sens le plus que l’on puisse définir. Il est conscient de sa propre mort et de son insignifiance. L’égo n’a pas lieu d’être. Il vit dans le présent avec sincérité, en accord avec ses convictions. On surfe sur le nihilisme, mettant hors jeu toute notion de bien et de mal, d’espoir et de désespoir. Meursault est. Et tant qu’à être là, plutôt que de ne pas l’être, il avance en assumant ses responsabilités. Il ne contrôle pas ce que pensent, disent ou désirent les autres. C’est un homme simple qui contemple son environnement, et embrasse chaque instant. Il ne le verbalise pas ou ne le montre pas, cela ne l’empêche pas pour autant d’être présent. Cette existence, que l’on pourrait qualifier presque d’aliénante ou de méprisante, dégage un puissant sentiment de paix intérieure, de sérénité. Car, comme le protagoniste le dit si bien, que l’on meurt aujourd’hui ou dans 10 ans, quelles différences ? On finira bien tous par y passer et d’autres passeront après nous. Albert Camus met le doigt sur une notion fondamentale : vivre avec sincérité, c’est vivre libre et être heureux.

Que retenir de l'Étranger ?

L’Étranger de François Ozon a toute sa place aux César 2026. C’est un film extrêmement riche visuellement et dans sa narration, qui prend le temps de nous partager un moment ancré dans le présent. L’interprétation de Benjamin Voisin est exemplaire, nous plongeant au cœur du récit. C’est un long-métrage mettant à l’honneur l’œuvre d’Albert Camus.