En 2025, on a sorti notre toute première vidéo : Pourquoi le biopic est un problème ? On a constaté une surabondance de films dits “biopic” au cinéma. D’où ça sort ? Est-ce que c’est un phénomène récent ? Qu’est-ce que ça implique ? Et enfin, quelles en sont les conséquences ? On a traité le sujet sous différents angles :
- la perception du public
- la réalisation du film
- la force marketing
- la juridiction
Qu’est-ce qu’on considère comme un biopic ?
Le terme biopic découle de la contraction de “biographical motion picture”. C’est un genre cinématographique qui retrace la vie d’une personne réelle par le biais de la fiction. Les films biographiques existent depuis les débuts du cinéma. Ces longs-métrages retraçaient la vie d’importante figure historique comme Cléopâtre, Louis Pasteur ou Zola. Tout le monde y est passé : des nobles, des politiciens, des religieux, des artistes, des sportifs, des scientifiques, des militaires, des criminels, et même des inconnus.
A l’inverse d’un film documentaire, le biopic se caractérise par sa narration romancée et dramatique. On cherche à instruire, inspirer et surtout divertir les spectateurs.
Quel degré de fiction et de réalité est-on prêt à accepter dans un biopic ?
L’implication sévère du public nostalgique
Aujourd’hui, le public est très mature concernant des personnalités connues. On peut rapidement s’informer avec une page Wikipédia, une vidéo Youtube, un documentaire, un livre biographique, etc. Ça a pour conséquence d’être exposé plus facilement à la critique qui a accès aux archives. Plus le sujet est sensible et complexe, plus les réactions peuvent être houleuses. A la sortie de Back in Black (2024), de nombreuses remarques négatives ont circulé, indiquant que le film n’avait aucune raison d’être, en argumentant sur le manque de nuance et de contexte. On peut constater la crainte de salir une réputation ou de glorifier à tort. Le choix des acteurs est suivi avec minutie et veillant à ce que la ressemblance soit notable. Le plus pervers dans tout ça, c’est que les spectateurs cherchent à s’immiscer dans l’intimité de la personnalité retranscrite. Si un détail ne semble pas coller, le public peut le prendre personnellement, au point d’être maladif.
La recherche perpétuelle de fidélité et d’objectivité est vaine. Comme les histoires sont soumises à une forme de subjectivité de leurs auteurs, comment attendre de l’objectivité de la part d’un produit culturel dont le but est de divertir ? En bref, le genre est biaisé par l’implication sévère d’un public qui semble connaître par cœur la vie d’une personnalité.
Un scénario fiable et divertissant
Est-ce si facile de réaliser un biopic ? En soi, le scénario est déjà écrit, il suffit de l’adapter à l’écran, non ? C’est un peu plus complexe que ça. La vie n’est pas une fiction, découpée en arc narratif distinct. On reste humain. Ce que j’entends par là, c’est qu’il peut parfois (ou même souvent) rien se passer de fou dans nos vies. On a notre routine. On n’est pas parfaits. Et surtout, nous sommes seul maître à bord de nos pensées. Il faut se méfier des médias ou des fans qui ont tendance à idolâtrer certaines célébrités.
Par conséquent, le scénariste et le réalisateur ne doivent pas juste dérouler une succession d’événements, comme une page Wikipédia. Quels sont les passages clefs ? Comment tout faire tenir en 2 heures ? Comment avoir une vision artistique et divertissante ?
On a constaté deux approches du biopic :
- la biographie instantanée, qui reprend une période clef, en omettant l’ensemble.
- la biographie conventionnelle, qui raconte toute la vie, en prenant plus de risques de dire des conneries.
Quelle granularité faut-il prendre pour peindre un portrait qui respecte la vérité, la période et la personne concernée en proposant de l’originalité ?
L’équipe de réalisation a le pouvoir de changer le narratif d’une personne auprès du public. Mais quelque part, à force de vouloir trop coller à la réalité, est-ce que l’aspect divertissement est amoindri ? Vouloir plaire au plus grand nombre est une fausse bonne idée. On finirait par avoir un film qui satisferait tout le monde, mais que personne ne voudrait voir.
La route vers les récompenses
Au mieux, les biopic plaisent, ou, à défaut, font réagir. Plus la personnalité présentée est connue, plus les scores au box office explosent les sommets. En choisissant la bonne personne, le bon acteur et le bon réalisateur, c’est une victoire assurée d’avance. Oppenheimer (2023) et Bohemian Rhapsody (2018) ont frôlé le milliard de recettes. En surfant sur la mémoire vive, l’engouement et l’appui du marketing pour accentuer l’aspect réel, les entrées en salle peuvent être démentielles.
Que se passe-t-il quand un biopic est excellent ? C’est la route vers les récompenses ! On recense plus de 50% des Oscars pour un premier rôle (masculin ou féminin) dans le cadre d’un biopic depuis les années 2000. C’est un véritable tremplin pour les acteurs et les réalisateurs qui deviennent ultra bankable à Hollywood.
Que dit la loi ?
La série Dahmer a été récompensée plusieurs fois pour sa qualité audiovisuelle. Est-ce que l’on peut dépeindre la vie d’un criminel sans glorifier ses crimes ? Est-ce que mettre en scène ce genre de personnalité est pertinent ? Peut-il humaniser les pires monstres ? C’est très violent à l’égard des victimes et de leur proche de remettre au goût du jour des traumatismes aussi forts. Aux USA, il existe la Loi du Fils de Sam, qui permet de redistribuer aux victimes les recettes générées grâce à la notoriété d’un criminel.
Cette loi ne viole-t-elle pas la liberté d’expression ? C’est très délicat de toucher à des personnalités vivantes ou aux personnes liées de près. Par exemple, Pamela Anderson n’a pas du tout consenti à l’idée de diffuser la série Pam & Tommy (2022). Et pourtant, elle ne peut pas faire grand chose. La diffamation entre en conflit avec la liberté d’expression. C’est une fiction, pas un documentaire.
Quand on touche à des personnes décédées, là on peut y aller sans soucis. Encore plus si toutes les personnes associées ont aussi disparu. On peut s’énerver sur le plan moral, mais en réalité, il ne se passera rien juridiquement. On est en droit de se demander si tout le monde aura un jour son propre biopic.
Que faire du biopic ?
Il faut arrêter d’être naïf. C’est un film. Les longs-métrages répondent à l’industrie du cinéma, qui cherche à faire du profit. Prenez le temps de considérer le biopic pour ce qu’il est : UN FILM. Bien entendu que c’est inconcevable d’être exhaustif, précis et absolument fiable en deux heures. Ce qui compte le plus, c’est ce que ça raconte. Quel est le message à retenir ?
Si on touche à quelqu’un de célèbre, qu’est-ce qui lui a permis d’atteindre ce statut ? A l’inverse, quand on présente un inconnu, qu’est-ce qu’il peut nous enseigner ? Vrai ou faux, la réponse est simple : on s’en balance ! Un biopic, c’est pas juste un personnage : c’est tout l’environnement et le contexte qui l’entoure qui est tout aussi capital. On a tous notre sensibilité. On a le droit d’aimer ou de détester un film pour différentes raisons, mais il faut rester raisonnable dans ses propos.
L’étiquette “biopic” est un pur produit marketing. On devrait davantage parler de drame, thriller, action, comédie, horreur, casse, procès, guerre, etc. Biopic est un interrupteur binaire : OUI ou NON. C’est tout. Et ça ne doit surtout pas être l’argument principal, mais simplement un supplément appréciable. Donc la prochaine fois que t’iras voir un biopic, oublie sa perspective réelle. D’ailleurs tu constateras que les meilleurs biopic concernent souvent les personnes qu’on connaît le moins. Les bonnes histoires sont toujours racontées avec les bonnes intentions.
Des bons biopic
On t’a préparé une liste non-exhaustive d’excellents biopic :
- 8 Mile (2002)
- Amadeus (1984)
- Arrête-moi si tu peux (2002)
- BlacKkKlansman (2018)
- Imitation Game (2014)
- Intouchable (2011)
- Invictus (2009)
- Killers of the Flower Moon (2023)
- La Vague (2008)
- Le Discours d’un Roi (2010)
- Le Mans 66 (2019)
- Le Tombeau des lucioles (1988)
- Oppenheimer (2023)
- Ray (2004)
- The Big Short (2015)
- The Social Network (2010)
- Titanic (1997)
- Zodiac (2007)